• Chapitre un // extrait deux

     Je suis dans une grande pièce, seule. Il y a devant moi un miroir, je porte une robe bleu ciel, mes cheveux sont impeccables, tressés en deux nattes symétriques de part et d'autre de mon visage au teint blafard, on distingue mes taches de rousseurs parsemées sur mon nez. Je m'approche de mon reflet, méfiante de ce qu'il pourrait se produire. Aucun son ne me parvient, je n'entends pas le bruit de mes pas sur le sol de verre nacré. Suis-je devenue sourde ? Tout semblait normal jusqu'à que je remarque que mon reflet s'ondule, formant désormais une aquarelle violette et bleue aux reflets argentés. On est passé mon reflet ? Qu'est-ce-que ce miroir représente ? J'ai toujours eu des rêves particuliers mais celui-ci me procure des sensations bien réelles, je sens mon pouls s'accélérer, les gouttes de sueurs tomber dans mon dos, les muscles de mon front se raidir, je fronce les sourcils. Je tends finalement mes doigts fragiles jusqu'au centre du mélange de couleurs cherchant à établir un contact avec la paroi du miroir mais je ne touche rien, c'est vide. Je décide alors de m'y introduire, ce n'est qu'un rêve après tout, il n'y a pas de danger à ce que je sache. Tout devient flou, j'ai l'impression de tomber mais je sens encore mon pied de l'autre côté du miroir. Dois-je continuer ? Oui. Je passe donc mon autre jambe et me voilà submergée. Puis, il ne se passe rien. J'avoue que je suis déçue. Mais, alors que j'essaie de ressortir, la sortie disparait. Se mélangent alors des images, des sons, j'entends des personnes discuter, elles parlent de moi. "Je connais Ulysse, elle n'est pas comme ça", c'est la voix d'un garçon que je ne connais pas. J'essaie de suivre les voix mais des visions m'arrêtent. Je vois deux filles, soignées, blondes et bien habillées parler dans un couloir du lycée. Mon lycée ! Elles regardent du coin de l'œil dans ma direction, mais je ne réagis pas comme d'habitude, je les vois de plus haut, comme si je n'étais pas dans mon propre corps, et je m'éloigne sans les regarder. Elles se moquaient clairement de moi, je le sais car j'entends leurs ricanements s'atténuer dans mon dos.  Dans cette situation je serais allée leur demander ce qu'était le problème, il n'y a aucune raison qu'on se moque de moi, je n'ai rien fait d'honteux. Les images s'effacent et j'entends de nouveau les voix. "Je connais Ulysse, elle n'est pas comme ça". Le garçon le répète encore et encore, je ne vois pas son visage, je l'entends seulement. Puis je vois de la lumière, j'entends un bruit court, répétitif, je sens mon corps se mettre en mouvement. Puis je n'entends plus que la voix et le petit bruit en écho, je me réveille en sursaut dans mon lit et je comprends alors quel était ce petit son insupportable. C'est celui de mon réveil de malheur.  

    En cette première matinée d'école, c'est déjà la panique à la maison. J'avais oublié ce que c'était de se réveiller alors que les voisins ne sont même pas encore allés chercher leur courriel, que les premiers rayons du soleil éclairent notre rue et d'entendre les cris de ma mère suppliant Matty de se dépêcher. Je m'habille aussi simplement que d'habitude, t-shirt blanc avec un jean noir troué et mes converses. Je prends mon sac sur mon épaule, quelques dollars pour mon repas à la pause déjeuner et je file dans la cuisine, me préparant psychologiquement à la tornade se formant au rez-de-chaussée. Maman me salue d'un sourire tout en essayant d'habiller Matty de sa toute nouvelle veste en jean beaucoup trop serrée. Ils finissent par s'en aller en express cinq minutes plus tard, me laissant seule dans un calme bien mérité après la bizarre nuit que j'avais passé. J'essaie de me préparer un déjeuner équilibré puis j'abandonne après avoir découpé un abricot pour finalement l'accompagner d'un bol de céréales Lucky Charms. J'essaie de ne pas penser à ce que j'ai entendu dans mes songes. Mais je ne vais pas me mentir, ça m'a réellement perturbée. Je ne sais pas qui était ce garçon... La sonnerie de mon portable interrompe mes pensées. J'ai reçu un message de Camryn.  

    Ulysse, si tu n'as personne avec qui passer le déjeuner n'hésite pas à me demander ! Xoxo, Cam 

    J'avais oublié à quel point cette fille avait recours aux smileys. Son sms en est littéralement infesté. Je ne compte pas accepter son offre, d'ailleurs je ne prends même pas la peine d'y répondre. L'horloge du micro-onde indique 7h42, je dois aller prendre mon bus. L'arrêt n'est pas très loin, c'est l'avantage quand on vit dans une résidence comme moi, beaucoup de familles y habitent, il y a donc des liaisons directes avec les établissements scolaires. Je montre mon ticket et m'assois côté fenêtre, derrière une fille rousse que j'avais croisé la veille dans ce même bus. Je me demande si elle est dans mon lycée. Je le saurais dans 20 minutes, le temps pour notre ligne d'être parcourue dans sa totalité, ramassant tous les élèves des environs passant par l'école primaire et ayant comme terminus, le lycée. Cela faisait longtemps que je n'avais pas pris le temps de regarder le paysage à travers les grandes fenêtres de ce tas de ferraille. Il y a beaucoup de verdure par ici. Je constate que beaucoup d'élèves se rendent en cours à pied, cela doit être fatiguant. Je suis beaucoup trop fainéante pour ça. Nous finissons par arriver à destination et de toutes évidence la fille rousse est dans mon lycée. Mon premier cours est une heure sur la vie lycéenne, obligatoire chaque semaine. La classe change parfois mais nous sommes souvent en petits groupes qui resteront presque les mêmes durant l'année entière. Ces cours sont vus comme une occasion de lier les élèves, de se faire des amis. Personnellement je pense surtout que c'est pour nous donner une raison de plus pour haïr ce lycée...Lorsque j'entre dans la classe, je constate qu'ils ont fait des changements dans l'agencement de la salle. Les chaises forment un cercle, nous allons tous nous fixer...génial...Je m'installe sur l'une des chaises et patiente jusqu'à que chacune d'elles soit occupée par un inconnu. Il y a la rousse de mon bus d'ailleurs. A ma droite je peux voir l'une des nouvelles amies de Camryn, elle doit sûrement tous nous juger à notre physique. Je la vois plisser les yeux lorsqu'elle regarde un garçon maigrichon en face de moi. Il n'a pas l'air très bavard mais au moins il est du genre à travailler, ce qui dans le futur lui servira d'avantage que les jugements de cette peste. C'est à cet instant que le prof décide de prononcer un valeureux discours sur l'ouverture d'esprit et le partage entre étudiants. Je cesse d'écouter à partir du mot "bonjour". Je regarde chaque élève autour de moi. Ils ont l'air de s'ennuyer eux aussi. La rousse, par contre, l'écoute, sourie lorsqu'il fait une blague, probablement ratée. Puis, nous devons tous nous présenter au reste du groupe. Il regarde chacun des élèves et fini par me pointer du doigt.  

    — Toi ! Dis-nous qui tu es ! Dit-il plein d'enthousiasme 

    — Je suis Ulysse Wilson, j'ai 18 ans, j'ai redoublé et j'aime écrire.  

    —Merci Ulysse, nous sommes ravis de faire ta connaissance !  

    Puis il continu avec une autre personne. J'essaie de voir avec qui j'aurai des chances de m'entendre. Il y a un garçon, plutôt beau gosse qui s'appelle Monroe, il est dans le club d'athlétisme mais je n'ai pas ce point commun avec lui, je l'oublie instantanément. Ensuite viens le tour du maigrichon, il s'appelle Hugg, il a 16 ans, c'est un surdoué comme on pouvait s'y attendre. Puis viens enfin le tour de la rousse. Elle s'appelle Hélia, elle a mon âge, elle a redoublé à cause de son déménagement, elle est passionnée par l'art. Cette dernière information m'interpelle. J'aime écrire, dessiner et la musique, on peut dire que j'aime l'art moi aussi. Je me fixe l'objectif d'aller l'aborder à la fin du cours, je veux apprendre à la connaître. Pendant que les autres élèves se présentent, je l'observe. Elle a les cheveux courts, d'un roux éclatant avec de magnifiques reflets. Elle porte un serre tette jaune pâle, assortit à ces chaussettes, jaunes également, avec de la dentelle. Sa robe est simple, blanche avec des petites fleurs bleues d'un pâle à peine visible. J'aime beaucoup son personnage, je ne la connais pas mais je me sens déjà proche d'elle. 


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