• chapitre deux // extrait quatre

    Nous nous installons confortablement sous sa couette, l'une contre l'autre. Elle me raconte ses deux dernières semaines, cloitrée dans sa chambre à peindre. Je remarque pour la première fois qu'elle n'a pas les cheveux repoussés en arrière. Généralement elle porte un serre-tête. Ses cheveux sont encore plus bouclés comme ça, cela accentue les traits de son visage, ses sourcils foncés et sa mâchoire carrée.  

    — Bon, tu comptes me dire quand tu reviendras en cours ? Je te signale que je suis obligée de trainer avec Camryn et ses potes... Tu me manques !  

    — Normalement je reviens lundi. 

    Dans deux jours tout reviendra à la normale, je retrouverais ma meilleure amie, je suis heureuse. Je lui propose qu'on sorte. Elle enfile une veste beige et une écharpe bordeaux assortie à sa jupe patineuse. Nous descendons les escaliers de l'immeuble à toute allure. Nous faisons des courses, nous nous reposons quelques minutes sur un banc et nous repartons en direction de la ruelle. Le ciel est devenu rose, je le préfère comme ça. Nous nous rendons jusqu'à l'arrêt de bus où nous continuons à discuter de tout et de rien. Soudain, plus rien ne se passe. Hélia se tait, moi aussi.  

    Je ferme les yeux pour profiter de cette soirée. Il fait bon, l'hiver n'est pas encore là mais il s'approche peu à peu. Tout à coup, un bruit m'interrompt dans ma méditation. Un sanglot, un tremblement que je ressens près de moi, le son de sa respiration qui s'accélère. Hélia se met à pleurer, elle est tétanisée, elle ne bouge pas mais je sais qu'elle lutte pour ne pas s'effondrer sur mon épaule. Je la regarde, je ne sais pas quoi faire, je suis nulle pour ça. Consoler, rassurer, ce n'est pas mon truc. Je tente malgré tout.  

    — Qu'est-ce qui se passe ? Ça ne va pas ?  

    Pas de réponse.  

    — Hélia je suis là, tu peux me parler... 

    Je ne suis pas très convaincante, pourtant je le pense vraiment. Elle finit par se calmer et pose sa tête sur mon épaule. Elle prend une grande inspiration :  

    — Je... je voulais t'en parler mais c'était trop dur. Je ne veux pas te causer des ennuis...Ulysse j'ai eu des problèmes au lycée...des gens se sont amusés à me dire des choses... 

    — Quoi ? Quelles choses ? Dis-moi... 

    — Ulysse... Je n'aime pas les garçons comme toi, je suis différente tu comprends ?  

    — Oh...Hélia... 

    — Les gens du lycée ont remarqués que je ne regardais que les filles et puis ils ont vu l'un de mes dessins. J'avais représenté deux filles qui s'entremêlent... C'était personnel, je voulais juste dessiner ce qui illustrait l'amour pour moi ! Mais ils l'ont utilisé contre moi !  

    Maintenant elle ne pleure plus, elle crie. L'angoisse a fait place à la colère. Elle continue tout de même à sangloter et les larmes n'ont pas cessé de couleur 

    — J'avais peur que les gens disent des choses sur toi... qu'ils racontent des choses fausses sur nous deux...Et tu es ma meilleure amie, rien d'autre.  

    Elle sanglote, pleure de nouveau. Je suis dégoutée, dégoutée par ses élèves, par leur méchanceté ! Comment peut-on s'en prendre à une personne si pure et bonne qu'Hélia. Maintenant c'est moi qui suit prise d'une colère noire, je veux me venger.  

    — Qui t'a fait ça ? Je lui demande 

    Elle hésite à me répondre. Elle a le regard fuyant. Elle semble gênée, comme si je n'étais pas apte à l'entendre. Mais j'ai déjà compris, elle le sait. Je la fixe, elle croise mon regard, ses yeux sont rouges. Mon père arrive en klaxonnant. Je monte contre mon gré dans la voiture, faisant un signe de la main vers mon amie. Comment ai-je pu être si aveugle ? Je n'ai rien vu venir ! J'aurais dû le remarquer et voir que ça n'allait pas. Soudainement, un souvenir me revient, celui d'une pause déjeuner. C'était il y a trois semaines, nous n'avions pas beaucoup de cours ce jour-là, alors nous avions décidé de manger dans la salle de théâtre, le seul endroit du lycée disposant d'un système d'aération.  

    — Tu veux qu'on aille sur la scène ? Je sais que tu voulais intégrer le club d'art dramatique. Lui-avais-je proposé  

    — Oh oui ce serait cool ! S'était-elle exclamée. 

    Nous avions parcouru les rangées de fauteuils rouges en chantonnant des mélodies imaginaires, songeant à nos futures aventures qui se produisaient dans notre sommeil. Tout était si doux, nous n'avions pas de problèmes, nous étions juste nous, ensemble, unies, laissant le temps filer. Hélia m'avait pris la main en criant "Allons sous les projecteurs !". Il n'y avait personne, alors elle s'est mise à danser. Je ne l'avais jamais vue ainsi, aussi libre. Elle enchaînait les pas, les sauts. Elle était magnifique. Assise, je me sentais honorée. Comme quelqu'un de spécial, une personne particulière, parce que j'étais amie avec une exception.  

    — Ce serait tellement plus simple si tout le monde pouvait être comme toi Ulysse. Si les gens pouvaient comprendre que certaines choses sont parfois différentes mais n'en sont pas pour autant des crimes.

    Après ça, elle avait arrêté de danser, s'était assise près de moi, posant ses jambes sur les miennes. Nous étions bien. Tout allait bien. C'est-ce que je croyais si fort alors qu'Hélia n'allait pas bien. Je m'étais contentée de lui sourire, sans poser de questions, car pour moi elle était trop pure pour qu'on puisse s'en prendre à elle.  

    Mon père interrompt le fil de mes pensées subitement.  


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